UN COMMENTAIRE DE LUC PERRIN

Publié le par Le collectif

Monsieur Luc PERRIN est docteur en Histoire et Maître de conférences. Il est membre de l'Association française d'Histoire religieuse contemporaine.

Monsieur PERRIN a commenté sur le forum catholique notre article ATTENTISME OU ACTION et nous a autorisé à le publier ici. Cette intervention n'engage pas le collectif pour la paix liturgique à Reims, mais comporte une analyse qu'il nous paraît intéressant de partager avec vous.

PAS DE SOLUTION MIRACLE, MAIS UN PAS EN AVANT

1. l'éventuelle "libération" de la Messe romaine traditionnelle n'est pas, paradoxalement, pour les fidèles qui en auraient tant besoin :
- Il serait, en effet, vain et illusoire d'imaginer qu'un Motu proprio, sous quelque forme, puisse à lui seul vaincre tous les obstacles que la mauvaise foi ecclésiastique moderne invente à loisir, ou plutôt ad nutum: un faux argument par requête ...
l'exemple donné d'un lieu inadéquat, d'un horaire invalidant et de prêtre hostile est un cas assez banal en Europe et aux USA, du moins au début de l'application d'Ecclesia Dei.
- Il convient de se rappeler des limites canoniques : un prêtre ne peut célébrer qu'un nombre limité de messes et pour tout dépassement doit avoir l'autorisation de l'évêque.

2. la meilleure solution canonique pour les fidèles traditionalistes est, incontestablement, la "formule Campos", soit une (ou mieux plusieurs) Administration apostolique personnelle.
L'épiscopat français a crié assez haut son opposition entière à la formule pour qu'on ne le sache pas.
Seule cette formule serait centrée sur les besoins des groupes de fidèles et rendrait possible, là où les Ordinaires sont défaillants, la mise en oeuvre du droit théorique reconnu depuis 1984.
L'existence d'une telle Administration contribuerait d'ailleurs certainement, par endroits, à surmonter des obstacles présentés comme insurmontables. L'effet de "stimulation" jouerait ou, mais avec une conséquence positive, l'évêque qui comme M. de Reims rejette radicalement la Tradition liturgique romaine pourrait alléger sa conscience en remettant la charge pastorale de ces groupes à ladite Administration. Du "gagnant, gagnant" comme on dit.

3. l'enjeu de l'éventuel Motu proprio - hypothétique depuis l'été 2005 rappelons le - est cependant bien réel. Il n'y aurait pas eu cette incroyable bronca pour rien. D'ailleurs dans la toute récente interview qu'il a donnée, Mgr Williamson se prononce clairement en faveur d'un tel texte, en dépit de toutes les limites ci-dessus.
- le statut canonique du VOM serait mieux précisé qu'aujourd'hui avec pour conséquence, oh pas d'effet immédiat, d'embarrasser les néo-liturges qui basent leur enseignement sur son dénigrement systématique.
- une célébration privée, au statut incertain aujourd'hui, serait rendue plus facile, ce qui pourrait apporter un GRAND soulagement aux nombreux jeunes prêtres (et aux autres) attirés par la Tradition liturgique. Redonner au clergé une plus grande source de grâce spirituelle n'est pas une petite affaire dans le contexte actuel.
- il y aurait un effet indirect de curiosité dans le plus large public qui ne connaît plus que le morne NOM.
- le clergé assez "légaliste" dans certains pays (pas la France certes !), comme en Allemagne ou aux Etats-Unis, serait plus enclin à célébrer selon le rit traditionnel et ouvrir des lieux de culte.
- surtout et la C.E.F. l'a fort bien compris, l'élargissement de la pratique du VOM serait une étape vers une révision sérieuse du NOM. Le cardinal Ricard a tenu à dire bien haut que cela ne concernait que la FSSPX - c'est certes une condition posée en 2001 pour un dialogue - mais les fidèles habitués à la novlangue catholique moderne auront compris le message subliminal.
Une capitulation de Benoît XVI sur le VOM serait une capitulation sur le terrain liturgique dans son ensemble, terrain qui devrait être une des priorités du pontificat. S'il doit être autre chose qu'une gestion des affaires courantes en attendant l'élection du prochain pape.
Nous sommes donc bien à la croisée des chemins.

L Perrin


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