Interview

Publié le par Le collectif

Pouvez-vous nous présenter la situation des fidèles attachés à la liturgie traditionnelle dans le diocèse de Reims ?

 

La situation est très simple : en effet, depuis les bouleversements provoqués par la mise en place de la réforme liturgique à la fin des années soixante, les fidèles attachés à la sensibilité traditionnelle ont été exclus de la vie du diocèse. Cette situation aurait dû se résorber après la promulgation du motu proprio Ecclesia Dei de 1988 promulgué dans un souci d’apaisement par le pape Jean Paul II, mais elle n’a pas évolué en raison de l’affirmation erronée de la part des autorités diocésaines qu’il n’y avait pas de besoin ni de problème liturgique dans le diocèse de Reims pour les fidèles attachés au rite traditionnel…

 
 
Cette affirmation est-elle exacte ?
 

Non! Elle procède de la « méthode Coué », car elle occulte des évidences notoires, comme la présence sur le territoire même du diocèse de communautés de la fraternité Saint Pie X dont l’origine est directement liée aux turbulences nées de la réforme liturgique.

 
 

Pensez-vous que les fidèles du diocèse de Reims attachés à la liturgie traditionnelle soient nombreux ?

 

Les éléments en notre possession l’affirment. Ainsi, il nous faut rappeler que plus de 350 familles signataires de la Supplique au Saint-Père lancée en 1995 par le père abbé du Barroux résidaient dans le diocèse de Reims. Si on y ajoute les membres des associations amies, les abonnés des revues d’esprit traditionnel, les pèlerins de Chartres à la Pentecôte, ce sont aujourd’hui probablement plus de 500 familles du département qui souhaitent vivre leur foi au rythme de la liturgie traditionnelle.

 
 

Mais pour en revenir à l’essentiel, quels sont vos motifs de solliciter la célébration de messe traditionnelle dans le diocèse ?

 

Ils sont profonds : en effet, si l’on reconnaît que de nombreux fidèles attachés à la liturgie traditionnelle vivent au sein du diocèse et qu’ils sont aujourd’hui exclus de la vie diocésaine, l’on comprendra qu’il faut absolument et urgemment trouver un moyen de rétablir des liens normaux entre catholiques au sein de l’Église de Reims. Or la restauration de ces liens ecclésiaux passera obligatoirement par la cohabitation au sein même du diocèse de fidèles de différentes sensibilités et sans en exclure aucune ; c’est à ce prix que s’établira une véritable paix et que ceux des fidèles qui peuvent encore accuser les autorités diocésaines d’ostracisme et préfèrent se tourner vers la Fraternité Saint Pie X n’auront plus de motif de le faire ou d’y être contraints. C’est cela l’objet de notre démarche, plus encore que celle de faciliter l’accès de tel ou tel à une messe traditionnelle célébrée plus près de son domicile.

 
 

Mais votre désir d’Unité n’est-il pas contradictoire avec votre souhait de vivre votre foi catholique au rythme de la liturgie traditionnelle de l’Église ?

 

Pourquoi opposer unité et diversité ? Nous aimerions reproduire les paroles de Mgr Jean-Charles Thomas, ancien évêque de Versailles (publiées dans « Enquête sur la messe traditionnelle », La Nef, 1998) : « Cette diversité n’est pas une faute contre l’unité : elle peut même la favoriser, pourvu qu’elle soit vécue dans la communion au même Corps du Christ constitué de membres différents, dans la communion au même Esprit qui répartit les dons et charismes pour le bien de tous. Certes, je l’observe facilement, ceux qui préfèrent le rite de 1962 partagent assez généralement des préférences ou des sensibilités assez semblables en tous ces domaines. Mais ceux qui célèbrent selon le rite romain actuel connaissent entre eux des clivages autrement plus grands. […] Si, demain, les chrétiens de différentes confessions tissent entre eux les liens d’une meilleure Unité, il est certain que demeurera entre eux une réelle diversité liturgique. L’essentiel sera que tous, membres de l’Unique Église du Christ, selon le tempérament et la sensibilité propre à chaque grande culture, puissent célébrer leur Unique Seigneur dans une même foi, une même espérance et un même Amour. La diversité de rites liturgiques existera probablement sur l’ensemble de la terre : mais elle ne coexistera pas en chaque lieu de l’univers. L’Unique Église, en marche vers son unité parfaite, sera ainsi plus vraiment en train de devenir « catholique » au sens de notre antique Credo : une communion universelle de communions locales. »

C’est pourquoi il est vain de poursuivre une stérile guerre liturgique dans ces premières annéesdu IIIe millénaire.

 
 
Votre démarche en faveur de l’Unité est-elle nécessaire ?
 

Elle est indispensable : le diocèse est la cellule de base de l’Église et son chef le successeur des apôtres, comment alors imaginer que des chrétiens ne puissent ni connaître, ni vivre ni être reconnus par leur Père dans la Foi, et vivre ordinairement en dehors de l’Église à laquelle ils appartiennent ? Comment l’Église peut-elle manifester son désir d’amour et de charité à l’égard de tous ceux qui sont éloignés d’elle si elle pratique l’exclusion en son propre sein ? C’est un problème de crédibilité. Les hommes d’Église ne peuvent pas tenir sérieusement un discours de charité dans de telles conditions. Un oecuménisme qui ferait l’impasse sur les catholiques eux-mêmes se discrédite. Et comment dire que l’on agit sous la tutelle du Saint-Père si l’on n’écoute pas ses demandes?

 
 

Vous adressez aujourd’hui votre requête à l’évêque de Reims ; est-ce bien à lui d’accorder ce privilège et non à d’autres autorités de l’Église ?

 

Le droit canon l’affirme, c’est l’évêque qui est le maître des questions liturgiques dans son diocèse. C’est pourquoi nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation surprenante dans laquelle le pape et les autorités de Rome souhaitent ardemment la paix liturgique, où la plupart des évêques de France s’associent à cette volonté mais où l’évêque de Reims, Monseigneur Thierry JORDAN s’oppose à une requête. Mais il ne faut pas oublier que l’évêque, avant d’être une autorité juridique, est avant tout le Père commun de tous les fidèles du diocèse. C’est pourquoi nous nous adressons filialement à lui et à ses prédécesseurs depuis plus de 17 ans, pour que la charité et l’amour priment sur le seul droit.
Alors que ce qui est en jeu est la paix et l’unité de l’Église locale, l’exclusion de fidèles pendant des années et des générations est-elle bénéfique pour l’Église du Christ?

 
 
Que souhaitez-vous aujourd’hui ?
 

Nous souhaitons une application large et généreuse des privilèges du motu proprio en faveur de la liturgie traditionnelle dans le diocèse de Reims. Cette application large et généreuse implique que soient octroyées au moins une chapelle située dans un lieu central où sera célébrée chaque dimanche et fête et à heure fixe, la liturgie traditionnelle pour la communauté qui ne manquera pas de se mettre en place rapidement. Il va de soi que cette communauté d’Église devra être animée par des prêtres bienveillants, sans quoi la question ne peut être réglée. C’est à ce prix et à lui seul que se rétabliront à nouveau des liens ecclésiaux et que s’apaiseront les querelles liturgiques.

 
 

Pourquoi vouloir imposer vos choix personnels aux autres fidèles du diocèse ?

 

Mais nous ne voulons rien imposer à personne !

Personne n’est obligé de faire les mêmes choix que nous et nous ne critiquons pas la manière de faire des prêtres ou des fidèles qui se sentent à l’aise dans la liturgie actuelle. Nous ne jugeons personne. Mais l’Église a voulu que notre attachement soit respecté car il est une richesse pour l’Église… Nous désirons juste que cette demande de l’Église soit respectée, pour nous-mêmes, nos familles et tous ceux qui seraient heureux de vivre leur vie de chrétien au rythme de cette liturgie.

 
 
Comment allez-vous y parvenir ?
 

Devant notre impossibilité d’établir un vrai dialogue avec notre évêque, nous avons décidé à Noël 2005 de créer un mouvement en faveur de la paix liturgique dans le diocèse. C’est dans ce cadre que nous avons entrepris, depuis le mois de janvier 2006, une action de sensibilisation des fidèles du diocèse pour mettre fin à l’ostracisme dont nous faisons l’objet, pour que cesse le scandale de notre exclusion. Cette action nous allons la poursuivre désormais à notre rythme et selon les modalités qui s’imposeront petit à petit.

 
 
Mais jusqu’où pensez-vous devoir poursuivre cette entreprise ?
 

Notre action ne fait que commencer. À notre rythme nous allons la développer, à Reims et partout où cela sera nécessaire, jusqu’au moment de la conclusion d’une paix authentique. Mais il faut savoir que notre détermination est grande et que nous sommes prêts à poursuivre ce que nous lançons aujourd’hui pendant des années si cela est nécessaire et que, s’il y a aujourd’hui scandale, celui-ci ne vient pas de nous mais de ceux qui ont laissé pourrir la situation dans laquelle nous sommes depuis plus de trente ans.

 
 

N’est-ce pas paradoxal d’avoir à se battre pour la paix et l’Unité ?

 

Il ne s’agit pas de combattre mais d’oeuvrer pour la paix et la justice. L’on nous a enseigné que l’on pouvait et devait agir si les causes en valaient la peine. Or, notre situation actuelle exige aujourd’hui une telle réaction pour que cessent le scandale de l’exclusion et la pratique de l’apartheid liturgique dans le diocèse de Reims. Pour être francs, nous espérions beaucoup de l’arrivée de Mgr Jordan qui a bien connu le diocèse de Versailles où les communautés sont nombreuses et bien acceptées… Mais nous nous interrogeons aujourd’hui pour savoir quelle est la sincérité de ces discours. Comme la porte de notre père évêque nous est fermée, que les media catholiques font le silence sur cette question, il ne nous restait aucune autre solution que celle d’en appeler à nos frères du diocèse de Reims à travers les distributions de tracts de sensibilisation que nous avons effectuées.

 
 

Combien de temps pensez-vous qu’il vous faudra pour aboutir à un résultat ?

 
 

Nous espérons aboutir le plus rapidement possible à la fin des querelles liturgiques et à l’unité des fidèles autour de leur pasteur mais il faut rester réaliste ; l’ostracisme contre nous est tel qu’il est improbable, sauf miracle, que la situation s’améliore rapidement ; aussi continuerons-nous notre action aussi longtemps que cela sera nécessaire.

 
 
Comment peut-on vous aider ?
 

Dans la situation actuelle, chacun peut se demander « que faire ? » et se dire « mais je ne suis qu’un laïc, sans pouvoir, il n’y a rien à espérer »… et de là peuvent naître l’amertume, la  rancoeur, autant d’attitudes qui ne sont pas signes d’un véritable esprit chrétien.
D’autres diront : « Mais à quoi bon protester puisque je serais une voix isolée… et puis ce serait créer le scandale ».
On peut faire mieux et on peut même faire beaucoup car notre demande est juste et légitime, le pape lui-même et ses cardinaux l’ont rappelé plusieurs fois. Dans de nombreux diocèses, des évêques bienveillants et soucieux de la paix et du bien-être de leurs fidèles ont pris des mesures simples pour répondre aux appels du Saint-Père. De plus, nous sommes particulièrement nombreux dans le diocèse de Reims, nous ne sommes pas isolés dans une demande qui ne concernerait personne.

 

Voilà donc ce qu’il est possible de faire :

 

1) Prier pour le diocèse, pour notre évêque, pour que nos appels soient enfin entendus, prier pour que la paix liturgique règne enfin et que cesse l’exclusion.

 

2) Faire savoir aux autorités notre refus de laisser la situation continuer ainsi ; il n’est plus possible d’attendre. L’Église de France se meurt et on exclut ainsi une part importante de fidèles, de vocations, de prêtres ? Nous savons que les autorités peuvent le comprendre aisément. Il faut donc écrire et écrire même régulièrement à partir du lancement de notre action… jusqu’à ce que le problème soit résolu. Cela demande beaucoup de patience, de modération dans les termes que nous utilisons, de respect même si parfois la colère nous étreint. Il faut donc écrire à notre évêque d’abord car, malgré les difficultés, il est notre père et notre pasteur ; il faut écrire à notre curé, aux prêtres du diocèse que nous connaissons

car ils ne peuvent pas être insensibles à notre détresse ; il faut écrire au président de la conférence épiscopale Mgr Ricard, car il connaît bien cette question et y a dans le passé trouvé des réponses pleines de charité ; il faut écrire au Nonce apostolique car il est le représentant du Pape en France ; il faut écrire à Rome, au cardinal Castrillon Hoyos, que le Saint-Père a chargé spécialement, pour l’Église tout entière, de répondre avec charité aux justes aspirations des fidèles.

Le plus efficace étant de nous envoyer copie de vos lettres, de vos éventuelles réponses, quelle que soit leur nature, de façon à nous permettre d’étoffer un dossier déjà important. Écrire, c’est à la portée de tous et ensemble notre voix sera plus forte.

 

3) Enfin nous sommes décidés à agir plus avant, à faire connaître dans les paroisses notre situation d’exclusion par des actions d’informations et à insister par notre présence auprès de notre évêque sur le caractère intolérable de cette situation. C’est un degré supplémentaire d’engagement que vous pouvez prendre. Sans doute nous faudra-t-il insister longtemps avant d’être entendus, nous avons donc pour cela besoin du plus grand nombre possible de bonnes volontés. Pour cela il vous suffit de nous contacter par téléphone ou par courrier et de proposer vos services ; aucune qualité n’est particulièrement requise, juste votre bonne volonté et une disponibilité ponctuelle.


 
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